Que pouvons nous apprendre de M. Minard aujourd’hui?
À la recherche des facteurs de success
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#innovation
Est-il important de connaître l’histoire avant de se plonger dans les méthodes de visualisation d’aujourd’hui? Pas forcément, mais si vous vous intéressez à l’évolution, à la motivation, aux problèmes et aux défis auxquels les gens étaient confrontés auparavant, cela peut être utile. Si vous voulez connaître les noms de certaines personnes importantes, les résultats de leur travail, pourquoi pas? Cela peut s’avérer utile même pour son propre travail/son propre chemin.
Je ne vais pas vous présenter une liste de noms, non! Je décide de choisir un nom, celui de Charles-Joseph Minard. Pourquoi? Parce que nous savons beaucoup de détails sur son travail, nous pouvons suivre l’évolution de ses méthodes, le perfectionnement, le raisonnement. Mais surtout, nous pouvons toujours apprendre de lui.
Quelles choses? Au cours de mes recherches, j’en ai identifié quelques-unes que je vais partager avec vous, une par une!
Tout d’abord, je vous donnerai quelques faits historiques, je décrirai l’environnement dans lequel il a vécu afin que vous puissiez mieux comprendre les défis de son époque. Je mentionnerai également certaines de ses œuvres les plus célèbres. Puis, je vous expliquerai les éléments qui sont toujours valables et comment vous pouvez en bénéficier directement.
Qui était Charles-Joseph Minard (1781–1870)?
En bref, un ingénieur du XIXe siècle qui, à côté de son travail, a consacré de plus en plus de temps à la visualisation d’informations, perfectionnant ses méthodes pendant des décennies. Ses travaux se culminent dans la publication d’une carte en 1869, représentant la désastreuse campagne napoléonienne en Russie en 1812-1813.
Elle intègre pas moins de six variables, dans une simple image bidimensionnelle. Cette œuvre est le résultat d’une longue évolution, une combinaison de carte de données et de séries de temps. Il a réussi à augmenter/améliorer le pouvoir explicatif de son image en ajoutant une dimension spatiale, de sorte que les données se déplacent à la fois dans l’espace et dans le temps. En outre, il a présenté les informations de manière esthétique.
Minard a grandi pendant la période la plus intense de la «révolution industrielle» au début du XIXe siècle. Il s’agissait sans aucun doute d’un environnement inspirant. De nombreuses innovations et réalisations datent de cette époque. Et il a travaillé pendant et après cette période comme ingénieur à l’École nationale des Ponts et Chaussées (responsable de la conception et de la construction de ponts, de canaux et d’infrastructures).
Son entourage était donc sans aucun doute susceptible aux idées et solutions nouvelles. Il facilitait son travail sur le terrain et ses discussions par des dessins techniques, des graphiques statistiques et des cartes. Minard explique, qu’avec l’extension de la recherche statistique, on voulait présenter les résultats sous une forme plus utile et plus compréhensible. On a donc introduit différentes représentations. Ces «outils de réflexion» permettaient d’exprimer des idées complexes ou de présenter des faits de manière claire, précise et efficace.
Minard ajoute:
« J’ai suivi l’impulsion générale des esprits vers les représentations graphiques. […] Enfin l’illustration envahit tout, et en rendant la statistique figurative, j’ai statisfait le besoin du jour »
Son principe
« […] est de faire apprécier immédiatement par l’œil, autant que possible, les proportions des résultats numériques ».
Son travail et son entourage l’ont probablement inspiré à en faire encore plus et à investir plus d’énergie dans ses innovations. Même après sa retraite, il a continué à travailler sur la représentation graphique des statistiques.
L’évolution de ses visualisations
En 1826, il publie son œuvre «Tableau chronologique de l’entretien du Pavé de Paris».
Ici, il utilise encore le même système que ces prédécesseurs précédents. Et il constate que cette représentation est choisie pour de nombreux cas d’application.
Il continue ensuite à écrire sans utiliser de graphiques. Il commence à s’intéresser à la construction du système ferroviaire et publie le résultat de ses recherches dans Leçons Faites sur les Chemins de Fer à l’École des Ponts et Chaussées en 1833-1834, qui ne contient encore aucune visualisation, mais uniquement des tableaux et des dessins techniques.
Un peu plus tard, il se lance dans la visualisation. Il se plonge dans la planification de trajet des voies. Il transforme les données statistiques sur le trafic et fréquantation des routes en graphiques afin de pouvoir mieux les analyser.
Son explication dans son livre:
« un tableau graphique […] qui représente le nombre des voyageurs du parcours total et du parcours partiel de quelques chemins de fer […]. Sur un ligne horizontale […] les longeurs entre les stations: c’étaient les bases d’autant de rectangles dont les hauteurs verticales étaient proportionnelles aux nombres de tous les voyageurs ayant passé entre deux stations consécutives. »
Il ajoute:
« on appréciait d’un seul coup d’oeil le rapport des nombres de tous les voyageurs ayant passé entre deux stations et le rapport entre les voyageurs du parcours total et du parcours partiel »
En observant le graphique, on pouvait déduire que les cours partiels gagnent en importance.
Il a publié son «Tableau figuratif du mouvement commercial du Canal du Centre en 1844» l’année suivante, dans le même système, mais colorié.
Peu de temps après, en mars 1845, Minard publie sa première carte de flux lors de la discussion du projet de chemin de fer Dijon-Mulhouse.
Il appelle ce type de représentation «carte figurative». Elles ont pour but de communiquer les mouvements des personnes, des marchandises, etc. sur une carte géographique, ajoutant ainsi une nouvelle variable, celle de la position géographique.
« Les voyageurs circulant sur les routes […] y étaient représentés par des zones teintées qui suivent les contours de ces routes et qui ont des largeurs proportionelles aux nombre de voyageurs qui y passaient dans les voitures publiques »
Il a fallu convaincre les autorités de la nouvelle trace:
« Ma carte lithographiée […] distribuée […] éclaira la discussion »
Car, d’un seul coup d’œil, il était possible de comparer les différentes routes et leur trafic respectif dans cette zone. Et c’est exactement l’objectif qu’il a poursuivi au cours des années suivantes, en les améliorant et en les enrichissant encore davantage.
Par la suite, de nombreux ingénieurs ont imité son système pour leurs projets ferroviaires.
Minard a indiqué qu’il est difficile de représenter des données qui n’ont aucune relation entre elles. Le système de coordonnées n’était pas bon ici. C’est pourquoi il fallait trouver d’autres méthodes.
« J’ai entendu dire, à l’occasion de mes cartes, qu’il y avait bien longtemps qu’on avait fait des cartes parlantes; non-seulement mes cartes parlent, mais, de plus, elles comptent, elles calculent par l’œil; c’est là le point capital; c’est là le perfectionnement que j’ai introduit dans mes cartes figuratives par la largeur des zones, et dans mes tableaux graphiques par les rectangles. »
Cela signifie qu’il sait bien se faire connaître, qu’il est confiant et qu’il reste en même temps un homme qui perfectionne soigneusement sa technique.
On peut découvrir deux particularités sur certaines de ses cartes de flux. D’une part, si les flux sont assez complexes, il a du mal à les dessiner côte à côte sur la carte, sans les superposer. D’autre part, il ne respecte pas strictement la géographie et sacrifie parfois la précision des points de repère. Mais la proportionnalité et la précision de ses flux et de ses données statistiques, ici, il ne fait pas le compromis. Il se concentre donc sur les aspects «pertinents» de ses représentations, négligeant les autres.
Sur certaines de ces cartes, Minard a introduit des graphiques en encadré pour replacer l’histoire qu’il cherche à raconter dans un contexte temporel ou plus global.
À propos de son autre expériment avec des diagrammes circulaires, Minard explique:
« La représentation par cercles laisse beaucoup à désirer. L’esprit saisit très-difficilement par la vue seule le rapport des surfaces de deux cercles; il faut, en quelque sorte, qu’il passe par l’évaluation des diamètres dont les carrés lui donnent le rapport des cercles, Mais si des cercles séparés se comparent mal, les secteurs d’un même cercle se comparent très-bien. »
Il admet que cette technique a été utilisée avant lui. Même s’il critique certains aspects, il explique pourquoi.
C’est d’ailleurs ce mode de représentation qu’il utilise dans sa carte des tonnages des ports de mer en 1857 :
Que nous a apporté son travail?
En bref, les publications de Minard tournaient en grande partie autour de thèmes tels que le transport de passagers ou de marchandises sur les routes et les réseaux ferroviaires.
Il planifiait ses graphiques avec rigeur, qui étaient basés sur des données statistiques soigneusement collectées. Son objectif était de transmettre des idées complexes avec clarté et précision. Il ne négligeait même pas les aspects esthétiques.
À l’époque, ces graphiques étaient très bien accueillis par ses collègues ingénieurs ou avaient servi d’ «outils de réflexion». Ils ont même été envoyés à des membres de l’administration française.
Sa méthodologie a trouvé des successeurs et ses principes sont toujours valables aujourd’hui.
Les facteurs clés de succès de Minard
Dans le texte, j’ai déjà surligné certains points qui, selon moi, ont été décisifs pour son succès.
1. Trouver un environnement inspirant
Minard a grandi pendant la période la plus intense de la «révolution industrielle». Il a travaillé comme ingénieur pendant «l’âge d’or» des graphiques statistiques. Son environnement était sans aucun doute réceptif aux nouvelles idées et solutions.
C’est pourquoi son entourage l’a inspiré à investir encore plus d’énergie dans ses innovations. Même après sa retraite, il a continué à travailler.
➤ Il est donc important que vous trouviez un environnement stimulant dans lequel vous pouvez vous épanouir. Essayez en outre de vous entourer de personnes partageant les mêmes idées que vous. Restez curieux, établissez des liens avec des experts, discutez d’idées avec votre collègues, découvrez de nouvelles choses ensemble ou même seul.
2. Préciser votre centre d’intérêt
De nos jours, nous sommes facilement submergés par toutes les technologies disponibles et en évolution. Si nous essayons d’apprendre tous les frameworks ou bibliothèques disponibles sur le marché, nous nous rendons très vite compte que c’est impossible.
Minard s’est rendu compte de l’importance croissante de la visualisation des données «L’illustration envahit tout». Il a trouvé un domaine prometteur dans lequel il pouvait démontrer son talent, introduire de nouvelles méthodes et les améliorer jour après jour. Tout en travaillant comme ingénieur, il a utilisé la visualisation de données et a «concentré» son énergie sur ce domaine particulier.
➤ Ainsi, plutôt que d’apprendre toutes les technologies, essayez de vous concentrer sur un domaine spécifique qui vous intéresse particulièrement. Approfondissez et améliorez vos connaissances et appliquez vos compétences dans ce domaine.
3. Partager ce que vous savez
Nous, les développeurs de logiciels, avons tendance à oublier l’importance de la communication. Lorsque nous corrigeons un bug ou trouvons une solution à un problème, nous pensons rarement à partager notre expérience avec un public plus large.
Minard a suivi et utilisé les canaux de communication disponibles pour publier ses idées et ses résultats. C’est ainsi qu’il a pu établir la «confiance» et devenir une personnalité précieuse et très appréciée de son époque.
➤ Même si ce n’est pas notre principal domaine d’intérêt, la communication et le partage d’informations sont fondamentaux. Sinon, comment votre patron, vos collègues ou d’autres personnes pourraient-ils savoir ce que vous savez ou connaître vos résultats ? Notre expérience pourrait également être utile à d’autres développeurs de la communauté pour résoudre leurs problèmes quotidiens.
Quels moyens de communication choisir? Ce qui vous convient le mieux, que ce soit écrire des articles, aller à des conférences, faire des présentations ou partager vos idées au sein d’une communauté.
Voilà comment on peut encore apprendre de Minard aujourd’hui!
Ci-dessous, tu trouveras les liens vers les deux ouvrages dont j’ai tiré les citations et la plupart des illustrations. Ils montrent la personnalité et le travail de Minard de manière plus détaillée:
Un grand merci à l’École nationale des ponts et chaussées de rendre les œuvres de Charles-Joseph Minard accessibles au public.
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